Paul Matthis 6è Dan
Un grand merci à tous ceux qui ont contribué, de près ou de loin, à la constitution du dossier.
Site officiel de Paul Matthis
Reprise des cours dans la semaine du 09/09 à partir du mardi. Voir page Contact & Horaires pour plus d’informations.
Octobre
Novembre
Décembre
La traduction littérale permet une définition précise mais incomplète. L’explication des idéogrammes japonais est plus précise et plus imagée, elle parle directement à l’esprit.
Aï est représenté symboliquement par un couvercle et une bouche, tandis que ki est la vapeur qui s’échappe de la cuisson de grains de riz, do enfin est une tête sur un chemin. L’Aikido est une discipline physique, technique et mentale parce que l’exécution correcte des mouvements améliore la condition générale du corps, en particulier la colonne vertébrale et les articulations. La respiration liée aux techniques stimule la circulation énergétique et sanguine et ce aussi dans certains muscles profonds trop souvent inemployés.
Physique : parce que l’exécution des mouvements impose l’étude de sa propre stabilité et développe les réflexes. Après quelques mois de pratique intervient très souvent une métamorphose individuelle tendant à modifier le style de vie (régime alimentaire, activité physique annexe et complémentaire, abandon du tabac, etc.).
Technique : parce que la rigueur des arts martiaux traditionnels s’applique à l’Aikido. Chaque forme comprend tous les éléments de l’attaque et de la défense. Le pratiquant s’efface au dernier moment devant l’action de son adversaire et guide la force déployée par celui-ci en effectuant un déplacement du corps susceptible d’accentuer le déséquilibre, afin de provoquer une chute. L’impression ressentie doit correspondre à celle exprimée par l’expression «enfoncer une porte ouverte». Les mouvements d’Aikido s’inscrivent dans des plans circulaires, verticaux ou inclinés ou se développent sous forme de spirales suivant les techniques employées. Comme la toupie ou la vague, le corps décrit un mouvement de façon à déplacer le centre de gravité de l’adversaire pour pouvoir manœuvrer facilement et projeter ce dernier avec facilité. Au fur et à mesure de la progression, les prises disparaissent et les mouvements s’appliquent avant la saisie ou le coup, lorsque la main de l’adversaire est sur le point de saisir ou de frapper.
Mentale : parce que le pratiquant sincère essaie de s’améliorer aussi en dehors du dojo (lieu dédié à l’étude de la voie). Le bonheur sur cette terre est malheureusement bien loin d’être acquis. Et la paix véritable ne peut venir que de l’intérieur. Les contraintes sont faibles en face du librement consenti.
Utopie n’est pas l’idéal de l’Aikido, si chacun essaie de devenir meilleur jour après jour, non seulement dans ses techniques, mais aussi dans la vie quotidienne, il participera alors dans sa modeste mesure à l’amélioration générale. De cette façon, l’Aikido contribue fortement à développer une compréhension mutuelle entre les différents peuples.
Lorsque Morihei UESHIBA (1881-1969) atteignit un niveau d’excellence dans les arts martiaux qu’il étudiait, il se demanda si la poursuite de la pratique de ces arts martiaux se justifiait et il s’interrogea sur la valeur d’une vie basée sur la défaite des autres. Il en vint à la conclusion que de telles victoires ne sont que relatives, illusoires et vides de sens.
Il est toujours possible de rencontrer plus fort que soi et d’être battu. Chaque personne est limitée par ses capacités, mais un autre potentiel intérieur existe en chacun d’entre nous. Il comprit que le vrai combat de la vie est de vaincre ce qui empêche l’épanouissement de l’être authentique.C’est à ce moment que son travail se modifia et prit une autre direction.
Il en vint à penser qu’un art martial pouvait être un outil pour éliminer les mauvais aspects de la personnalité et finalement arriver à un contrôle de l’être unifié, le physique en coordination avec le mental. En développant l’aspect spirituel, il se rendit compte qu’il fallait obéir aux lois de la nature, être en harmonie avec elles. C’est avec cette idée qu’il fonda l’Aikido.
L’originalité de Maître UESHIBA est d’avoir dépassé les limites étroites du combat, de la stratégie pure et simple, et d’avoir envisagé de donner à tous, à travers la recherche de la maîtrise de ce qui reste un art martial, la possibilité d’accéder à un type supérieur de coordination et d’harmonie. Ce principe est aussi une manière intelligente et efficace de s’adapter aux situations.
Idéalement, le pratiquant transpose cette recherche d’adéquation dans sa vie quotidienne. Le message est simple : devenir une personne en harmonie avec les autres, pas seulement à l’entraînement mais aussi dans la vie de tous les jours, quelqu’un d’équilibré, conscient de ses vraies responsabilités. C’est évidemment l’étude de toute une vie. Mais cet esprit est vraiment le coeur de l’Aikido.
LES KYU |
Pour les grades kyu, ceux-ci sont attribués au sein du club, par le professeur, dans les premiers mois et années de pratique avant l’obtention de la ceinture noire.
SHODAN |
SHO est le début, ce qui commence. Le corps commence enfin à répondre aux commandements et à reproduire les formes techniques. On commence à saisir une certaine idée de ce qu’est l’Aikido. Il faut alors s’efforcer de pratiquer ou de démontrer, lentement si nécessaire, mais en s’attachant à la précision et à l’exactitude.
NIDAN |
Au travail du 1er dan on ajoute rapidité et puissance en même temps que l’on démontre une plus grande détermination mentale. Cela s’exprime chez le pratiquant par la sensation d’avoir progressé. Le jury doit ressentir ce progrès en constatant une clarté de la mise en forme et de l’orientation du travail.
SANDAN |
C’est le début de la compréhension du kokyu ryoku. L’entrée dans la dimension spirituelle de l’Aikido. La finesse, la précision et l’efficacité technique commencent à se manifester. Il devient alors possible de transmettre ces qualités.
YONDAN |
A ce niveau techniquement avancé on commence à entrevoir les principes qui régissent les techniques. Il devient possible de conduire plus précisément les pratiquants sur la voie tracée par le fondateur.
GODAN |
L’art respecte les principes et l’esprit, commençant à se dégager de la forme, le pratiquant ne reste plus prisonnier de l’aspect extérieur de la technique. De nouvelles solutions techniques apparaissent en fonction des situations.
ROKUDAN |
La technique est brillante, le mouvement est fluide et puissant. Il doit s’imposer comme une évidence à celui qui le regarde. La puissance et la disponibilité physique comme la limpidité du mental s’unissent sans ambiguïté dans le mouvement et s’expriment aussi dans la vie quotidienne.
NANADAN |
L’Etre se débarrasse de ses obscurcissements et apparaît sous sa vraie nature; il manifeste son vrai soi. Libre de tout attachement il éprouve la joie de vivre ici et maintenant.
RACHIDAN |
Au-delà de la vie et de la mort l’esprit clair est ouvert, capable d’unifier les contraires, sans ennemi, il ne se bat pas. Sans combat, sans ennemi, il est le vainqueur éternel. Sans entrave il est libre, libre dans sa liberté. O’Sensei disait « En face de l’ennemi il suffit que je me tienne debout sans rien de plus ».
Sa vision englobe et harmonise la totalité. Mais rien ne s’arrête là. Même l’eau la plus pure peut pourrir dans une mare; il ne faut jamais oublier l’esprit du débutant accomplissant son premier pas.
Aï : harmonie, rencontre. |
|
Arigato : merci |
|
Ashi : pied, jambe. |
|
Ashi Baraï : balayage (des jambes). |
|
Atemi : coup porté théoriquement à des endroits vitaux du corps. |
|
Ayumi Ashi : déplacement en pas de marche normale : une jambe après l’autre. |
|
Batto : art de dégainer le sabre (forme ancienne d’IAIDO). |
|
Bo : bâton. |
|
Bojutsu : art ou bien technique du bâton. |
|
Bokken : sabre en bois. |
|
Bokuto : gros sabre en bois. |
|
Budo : voie de la guerre, art martial. |
|
Bushi : guerrier, samouraï. |
|
Bushido : code d’honneur des BUSHI. |
|
Chudan : niveau moyen. |
|
Chudan Tsuki : Coup de poing hauteur abdomen-plexus. |
|
Dan : degré, grade.( litt. Marche). |
|
Do : voie. |
|
Dojo : lieu où l’on étudie la voie, salle de pratique des arts martiaux. |
|
Domo Arigato Ogoseimasta : plus que des remerciements (honorifique). |
|
Dozo : je vous en prie, s’il vous plait. |
|
Doshu : littéralement, le Maître de la voie, représentant suprême (technique et spirituel) de l’art. |
|
Eri : col. |
|
Gedan : niveau bas. |
|
Geri keri : coup de pied. |
|
Gi : tenue d’entraînement appelée à tort KIMONO |
|
Go No Geiko: entraînement fort. |
|
Hakama : jupe culotte traditionnelle portée en BUDO |
|
Hammi : position asymétrique de base; un côté en avant. |
|
Hara : région de l’abdomen, centre vital de l’homme. |
|
Harageï : art du HARA, art du ventre. |
|
Henka : changement (de posture sans bouger les pieds). |
|
Hidari : gauche. |
|
Hiji : coude. |
|
Hiza : genou. |
|
Iaïdo : voie du sabre (voie de l’étude de la sortie du sabre). |
|
Iaïto : sabre factice d’entraînement en Iaï ou Batto. |
|
Irimi : point fort de l’Aïkido, c’est l’action d’entrer droit sur l’adversaire tout en esquivant, action très positive. Presque tous les mouvements d’AIKIDO utilisent le IRIMI : TENKAN. |
|
Jo : bâton. |
|
Jodan : niveau haut. |
|
Joseki : mur d’honneur d’un dojo. |
|
Ju : voie de la souplesse. |
|
Jiyu Waza: travail libre |
|
Kagari Geïgo : entraînement souple |
|
Kaïten : rotation, mouvement giratoire. |
|
Kamae : garde, posture. |
|
Kamiza : siège supérieur, place d’honneur du DOJO où se trouve généralement la photo de O SENSEI, un temple SHINTO ou une calligraphie. |
|
Kata : formes imposées, ensemble de mouvements stylisés. |
|
Kata : épaules. |
|
Katana : sabre japonais. |
|
Keïko : pratique, entraînement. |
|
Keïkogi : gi pour l’aïkido. |
|
Keïko Ho : formes d’entraînement. |
|
Kensen: ligne imaginaire reliant les deux partenaires et où se situe l’action (litt. ligne des sabres). |
|
Kesa Geri : action de couper en biais et de haut en bas. |
|
Ki : fluide vital, énergie cosmique. |
|
Kiaï : cri, souffle ou bien impulsion. |
|
Ki musubi: liaison entre les deux partenaires. |
|
Kokoro : mentalité, coeur et esprit. |
|
Koshi : hanches. |
|
Kote : poignet. |
|
Kumi : groupe. |
|
Kokyu : respiration, force de respiration. |
|
Kokyu Ho : exercice de KOKYU. |
|
Kokyu Ryoku: force développée grâce à une bonne utilisation de kokyu. |
|
Kubi : cou. |
|
Kyu : grade que l’on décerne avant les DAN.(litt. Classe) |
|
Ma-aï : distance. |
|
Mae : devant. |
|
Mae Geri : coup de pied direct de face. |
|
Mawashi Geri : coup de pied circulaire. |
|
Michi : voie, DO. |
|
Migi : droite. |
|
Mune : poitrine. |
|
Mune Dori : saisie du revers. |
|
Nage : celui qui fait la technique (SHITE). |
|
Nage Waza : techniques de projection. |
|
Naname: en biais. |
|
Omote : positif, devant, endroit. |
|
Onegaïshimasu : phrase que l’on prononce lorsque l’on salue quelqu’un et qui signifie littéralement: je vous fait une requête; soit : s’il vous plait. |
|
Reï : salut . |
|
Reïshiki: étiquette, règles de comportement dans le dojo. |
|
Ritsu Reï : salut debout. |
|
Ryu : école (dans les arts martiaux). |
|
Sankakutaï : position de garde , les pieds à angle droit de façon à ce que les lignes talon-orteils forment un triangle. |
|
Seïshin : esprit. Budo Seïshin : esprit BUDO. |
|
Seïza : position à genoux. |
|
Senseï : d’après Musashi « celui qui est avant » professeur, enseignant, ou toute personne que l’on respecte beaucoup. |
|
Shihan : professeur de très haut grade. Grand Maître. |
|
Shiho Giri : action de couper dans les quatre directions. SHIHO = 4. |
|
Shin: esprit, coeur. |
|
Shiseï : attitude, posture correcte. |
|
Shite : celui qui fait (NAGE) |
|
Shizentai : position naturelle de base. |
|
Shodan : premier DAN. (Dan de débutant). |
|
Shomen : de face. |
|
Sode : manche. |
|
Sokumen : de biais. |
|
Soto : extérieur. |
|
Suburi : exercice de frappe au sabre que l’on répète seul et inlassablement. |
|
Taï : le corps. |
|
Taï Jutsu : techniques de combat à mains nues. |
|
Taï Sabaki : déplacement circulaire avec un pas vers l’avant et un TENKAN. |
|
Taïso : exercice de base de l’Aïkido. Exercice et échauffement. |
|
Te : main. |
|
Tegatana : tranchant de la main, main en forme d’épée. |
|
Tekubi : poignet. |
|
Tenkan : déplacement que l’on effectue autour d’un pivot (un pied qui ne bouge pas) et dans lequel on dirige la force de l’adversaire sans l’arrêter. |
|
Te No Uchi : position des mains. |
|
Tori: celui qui fait la technique.( appelé aussi NAGE ou SHITE). |
|
Tsugi Ashi : déplacement en glissant les pieds sans passer une jambe devant l’autre. |
|
Tsuki : coup direct et de face. |
|
Uchi : intérieur. |
|
Ude : bras. |
|
Uke : celui qui attaque et qui chute. |
|
Ukemi : chute. |
|
Ura : négatif, extérieur, revers, partie cachée. |
|
Ushiro : arrière. |
|
Waka Senseï : fils du Maître, littéralement « jeune Maître » (ne s’emploie que lorsque le Maître est encore vivant). |
|
Yoko : côté. |
|
Yokomen : latéral. |
|
Yudansha : pratiquant gradé. |
|
Zanshin : position marquée de contrôle et de domination après avoir exécuté une technique. |
|
Zareï : salut à genoux. |
Cette discipline japonaise n’est pas un sport, mais un ensemble de formes, de simulacres de conflits, visant à domestiquer la violence. Ses adeptes sont plus nombreux en France qu’au Japon.
Comme souvent dans les arts martiaux, cela commence par un salut au kamiza, la place d’honneur, où figure la photographie du fondateur : Morihei Ueshiba, un vieil homme à barbiche, zen et droit, qu’on appelle grand professeur (O sensei). Puis on salue l’autre maître, celui du dojo, qui va transmettre à son tour, donc montrer la voie (do).
Sur le tapis, il est alors question de formes, de prises assez compliquées pour le non-initié, et toutes nommées en japonais. Elles s’enchaînent, comme des dialogues, entre deux aïkidokas. Car cet art martial n’a de sens et de pratique qu’à deux – partenaires, et non adversaires. Ce n’est pas un sport – il n’existe aucune compétition -, plutôt une affaire de relation, de communication.
Des couples en noir et blanc s’agrippent maintenant sur le tapis : blanc des kimonos, noir des hakamas, amples tuniques passées sur les pantalons. L’ensemble évoque une danse très codifiée, un jeu de prises et d’esquives, ponctué de chutes. Cela peut se pratiquer à terre ou debout, à mains nues ou avec un sabre (ken), un bâton (jo), voire un couteau (tanto), armes généralement sculptées dans le bois.
Le terme aïkido pourrait se traduire par « voie (do) de l’harmonisation (aï) du souffle vital (ki) », « voie de l’unification des énergies », ou bien « voie de l’harmonisation par le ki ». Le mouvement est perpétuel : Uke, c’est-à-dire l’attaquant, s’avance vers Tori, celui qui se défend. Uke s’engage, Tori absorbe l’attaque, l’enveloppe et, selon la technique, renvoie l’énergie à Uke, qui chute.
Ils étaient plus de deux mille à honorer ainsi leur art, samedi 7 et dimanche 8 février, dans l’une des salles du stade Charléty, à Paris. Ils formaient comme une marée humaine, agitée par paquets. A intervalles réguliers, la houle creusait un espace et les regards basculaient vers un homme aux cheveux de cendres, un Japonais âgé d’une cinquantaine d’années : Moriteru Ueshiba, petit-fils du fondateur de l’aïkido et actuel doshu, c’est-à-dire « gardien de la forme », donc de l’art, et porte-parole de la « voie ».
On est doshu de père en fils. « C’est une charge, une responsabilité », dit sobrement Moriteru Ueshiba. Sorti de la neutralité vestimentaire du kimono, le maître est d’une rare élégance. Stature fine et altière, décontraction, sourire, costume croisé et pull à col roulé, il a tout du prince, du gentleman. Rien ne paraît le troubler. « Le doshu, c’est un peu comme la reine d’Angleterre », assure Christian Tissier, 53 ans, 7e dan, l’un des plus haut gradés français. Autrement dit, le doshu est un académicien, un référent. Car l’aïkido paraît d’abord être un langage, dont le gardien préserve en quelque sorte la grammaire et l’alphabet. Selon M. Tissier, « c’est l’une de ces disciplines japonaises qui, comme les arrangements floraux ou la cérémonie du thé, projettent à travers un support – ici le corps – un idéal de pureté ».
Ancien militaire adepte du jujitsu, Morihei Ueshiba (1881-1969) fut envoyé pendant la guerre russo-japonaise, en 1904, sur le front de Mandchourie et façonna très progressivement l’aïkido, art martial de défense, à partir des années 1920. Notamment inspirée des combats de sabre, mais d’essence non violente – donc en rupture avec l’esprit guerrier d’avant Hiroshima – la discipline fut, après la seconde guerre mondiale, le premier des arts martiaux à être autorisé par les Américains.
Alliant maîtrise du corps et engagement spirituel, la pratique consiste essentiellement à se défaire d’une prise de main, à projeter l’attaquant au sol en retournant contre lui sa force, et à l’immobiliser en sollicitant ses articulations. Il existerait ainsi plusieurs centaines de formes, jouant sur l’esprit de décision, la connaissance de l’anatomie et la rapidité des réflexes.
On compterait au monde un million de pratiquants, de tous âges, de toutes catégories socioprofessionnelles et culturelles. Ils seraient environ 60 000 en France, c’est-à-dire davantage qu’au Japon, pourtant plus peuplé, répartis à parts égales entre deux fédérations rivales : la Fédération française d’aïkido, aïkibudo et affinitaires (FFAAA, aikido.com.fr) et la Fédération française d’aïkido et de budo (FFAB, ffab-aikido.fr). Deux entités que le ministère de la jeunesse et des sports souhaiterait, dans un proche avenir, voir mieux unies.
Introduit en France dans les années 1950, l’aïkido s’est longtemps développé sous l’aile protectrice de la Fédération de judo, profitant de la venue de quelques apôtres japonais et de l’intérêt d’un précurseur français, André Noquet. Appréhendée parfois comme une forme de judo supérieur, ésotérique, la discipline a connu un essor important au début des années 1980. D’une part, sous l’influence de l’un des disciples directs du fondateur, Nobuyoshi Tamura, 8e dan (branche FFAB). D’autre part, sous la houlette d’une poignée de jeunes professeurs français (aujourd’hui branche FFAAA), qui étaient partis à l’aventure, dans les années 1970, alors que d’autres rêvaient d’Inde ou de Népal, pour se former pendant six ou sept ans à l’aïkikai, l’école de Tokyo.
« J’avais découvert l’aïkido un peu par hasard en 1962, à 11 ans », confie l’un de ces pionniers, Christian Tissier. Ce fils d’ouvrier, aujourd’hui shihan (grand maître), faisait un peu de judo à l’Alhambra, la salle parisienne où se produisait autrefois Maurice Chevallier. « Il y avait le costume… et il n’y avait pas besoin de force, c’est cela qui m’intéressait. » Bernard Palmier, 6e dan, découvrit quant à lui l’aïkido dans un baraquement de patronage : « Il y avait cette notion de non-violence, l’ambiguïté entre l’idée d’art martial et celle de paix et d’amour. C’était très beau, très efficace. » « Un mélange curieux de complicité et de rivalité », ajoute Franck Noël, 6e dan, issu de la même génération.
Pourquoi, ensuite, un tel engouement ? « Le Japon et la France sont deux pays de tradition », rappelle M. Tissier. Il en ressortirait quelques ponts, des résonances. « En pleine crise économique des années 1970, raconte Arnaud Waltz, 5e dan, qui enseigne à Drancy (Seine-Saint-Denis), l’aïkido s’intégrait dans un mouvement de contre-culture, attiré par le modèle oriental, la gestion du stress, les discours sur la circulation d’énergie. » Et puis il y eut, pour adaptation à l’esprit français, Christian Tissier : « C’est le Descartes de l’aïkido, commente M. Waltz. Il a tout rationalisé. Avec lui, une forme est devenue une ligne, une rotation, une vitesse. Tout a eu un sens, tout a pu être justifié. »
L’enseignement de Christian Tissier aurait donc été comme une porte d’entrée, une traduction de ce que le monde japonais exprime généralement par métaphore ; une mise en raison, comme il y aura plus tard une mise en mots intuitive et poétique par Franck Noël dans un recueil de textes intitulé Fragments de dialogue à deux inconnues.
Depuis, le profil des aïkidokas paraît avoir changé, même si les intentions premières restent balancées, comme la pratique, entre la recherche personnelle d’un développement physique et celle d’une évolution mentale. Car qu’est-ce au fond que l’aïkido ? Chacun livre sa vérité. « Une discipline d’éducation globale qui utilise les apparences du self defense », suggère Franck Noël. « Une école de rigueur et d’exigence qu’impose la martialité », estime Bernard Palmier. Tout compte fait : « Cinq pour cent de travail spirituel et 95 % de sueur. » De fait, les pratiquants – essentiellement adultes – s’adonnent à leur passion deux heures par semaine au minimum, sans compter les stages le week-end, et cela pendant plusieurs années, si ce n’est toute une vie.
Par essence, l’aïkido touche à la violence, ou plutôt à sa représentation. C’est un modèle pour l’exprimer, qui doit aussi permettre d’en réguler la peur. Il s’agit donc, expliquent les maîtres, de la représentation d’un conflit que l’on va chercher à résoudre harmonieusement, en utilisant des principes naturels : le travail sur la posture (centrage, verticalité), la technique (économie dans les mouvements, efficacité), la distance (vision correcte), la notion de respect de l’autre et d’intégrité.
« En fait, poursuit M. Waltz, qui enseigne en faculté et mène une thèse en sciences de l’éducation sur les effets de la catégorisation des enfants difficiles, cette simulation de la violence est d’abord une construction à deux. Deux agressivités se rencontrent, et cela débouche sur l’émergence d’une forme, une technique. » Il y a de l’art dans l’air. Et vice versa.
Dans un texte lisible à l’aïkikai de Tokyo, il est écrit que « l’aïkido vise à améliorer les relations sociales ». « Cela ne va pas sans ambiguïté ! », note Franck Noël, tant la motivation première des nouveaux pratiquants serait plutôt, semble-t-il, le développement personnel. Mais est-ce antinomique pour autant ? « Les raisons qui poussent les gens à venir à l’aïkido, constate M. Noël, ne sont généralement pas les mêmes que celles qui font que, plus tard, ils continuent… »
Au dojo parisien de M. Palmier, la discipline a provoqué ou, le plus souvent, accompagné une prise de conscience et des changements personnels chez les aïkidokas. Alain, 52 ans, 3e dan, vient ainsi d’effectuer un virage professionnel à 180°, hier dans les mignonnettes de parfum, aujourd’hui dans l’éducation spécialisée : « Avec le temps, il peut y avoir un déclic. L’aïkido me permet de ressentir des millions de choses sans parler. »
Andrea, cinq ans de pratique, a quitté la danse professionnelle et trouvé une autre dimension : « Les danseurs évoluent tous sur une même longueur d’onde, dit-elle. En aïkido, c’est chaque relation qui vit son propre espace-temps ». Jean-Marc : « C’est comme un dialogue, il y a ceux qui acceptent de négocier et ceux qui n’acceptent pas. Et puis il y a la notion de plaisir. » Enfin, Frantz, ancien élève qui anime son propre dojo, informaticien de 48 ans devenu consultant : « J’ai plus à apprendre maintenant des hommes que des machines. Quand quelqu’un fait une erreur, il est préférable de travailler avec celle-ci que de la lui reprocher. Pour cela, l’aïkido est une voie, un moyen. »
Bernard Palmier, consultant en ressources humaines, explique comment certains concepts trouvent écho dans la vie courante. Selon lui, l’aïkido serait l’art « de se remettre en cause tout en confortant ses racines, de s’affirmer tout en s’ouvrant aux autres et en les respectant ». « En aïkido, assure-t-il, il n’y a pas de perdant. C’est toujours une stratégie gagnant-gagnant. »
Toute relation implique cependant des enjeux de pouvoir. « Le pouvoir, remarque Josette Nickels, 4e dan, qui enseigne à Châtillon-sous-Bagneux (Hauts-de-Seine), il faut le prouver chaque fois sur le tapis ! Dans d’autres arts martiaux, vous pouvez être champion du monde et le rester toute votre vie, là non ! »
Sans titre de gloire, le pouvoir est éphémère, sauf à glorifier les grades. Alors, les dissensions s’expriment de manière différente. Par exemple, dans des rivalités non dites – entre écoles, entre enseignants, entre fédérations. On subodore également quelques querelles de presque gourous ou une presque querelle de modernes et d’anciens. L’actuel doshu lui-même ne ferait pas l’unanimité.
Enfin, comme dans tout groupe structuré autour d’une discipline et d’une personnalité, il reste l’apparence sectaire. Sur ce point, Franck Noël corrige : « Le salut à la photo du fondateur Ueshiba n’est pas à prendre comme un élément de culte de la personnalité. Il faut y voir une image de la discipline : chacun affirme les efforts qu’il va consentir pour aller dans la direction, la voie montrée par le maître. Bien sûr, il y a là quelque chose de l’ordre du sacré, une aspiration collective, une référence ultime, dont les pratiquants ne sont d’ailleurs pas toujours conscients. » Parfois, la photo du fondateur laisse place à un simple miroir shinto. Arnaud Waltz : « On y voit ce que l’on est, ce que l’on va devenir. »
Alors, c’est immuable, tous se resserrent, à genoux, en rang face au maître, kimono rajusté. De sorte que cela finit, comme toujours, par un salut au kamiza.
Jean-Michel Dumay
ARTICLE PARU DANS L’EDITION DU 07.03.04